A Pau, un laboratoire commun dupe les insectes ravageurs pour mieux protéger les cultures

L’IMT Mines Alès a créé en 2020 avec l’entreprise M2I Group le laboratoire So Ph’Air qui s’intéresse au biomimétisme. Il étudie la diffusion dans l’air de phéromones de synthèse afin d’optimiser les solutions de biocontrôle développées par M2i pour réduire les populations de nuisibles, sans usage de pesticides.

 

Plutôt que de détruire les insectes et autres ravageurs de plantations par l’utilisation de pesticides, imitons-les ! Tel est le principe du biomimétisme et du biocontrôle, des procédés en plein essor dans l’agriculture. Cette alternative aux pesticides offre des solutions concrètes pour protéger les cultures tout en préservant l’environnement et en se conformant à des réglementations européennes de plus en plus restrictives.

 

Mais comment évaluer l’efficacité de ces méthodes et proposer des formulations optimales en termes de quantités libérées dans l’air, de périmètre de diffusion et de durée d’efficacité ? C’est tout l’objet du partenariat noué en janvier 2020 entre l’IMT Mines Alès (UMR 5254 IPREM, à Pau) et l’entreprise M2i Group, spécialisée dans la conception et la formulation de phéromones de synthèse, qui imitent les molécules odorantes naturellement émises par les insectes pour communiquer entre eux. Cette PME 100% française est devenue en 10 ans, le leader européen de ce domaine d’activités.

 

« Un mécanisme naturel en substitution des insecticides conventionnels »

 

Leur laboratoire commun baptisé « So ph’air » (Solutions for Pheromones Analysis in Air) étudie la diffusion dans l’air de ces molécules « qui reproduisent l’action de phéromones induisant, par exemple, une confusion sexuelle », explique Valérie Desauziers, enseignante-chercheuse à l’IMT qui supervise ce programme. Plus précisément, ces composés transmettent un message similaire à celui des femelles pour attirer les mâles, ce qui leurre les mâles incapables de localiser leur partenaire entraînant une baisse de la reproduction, donc de la population d’insectes ravageurs. « C'est une alternative intéressante aux pesticides, parce que l’on ne tue pas et que ces substances, émises en quantités infimes dans l’air, ne sont pas nocives. Cette vocation environnementale est très importante pour nous », souligne la scientifique.

 

Spécialisés dans l’étude des échanges de composés volatils et semi-volatils entre un matériau et l'air, son équipe s’emploie à « mieux comprendre les mécanismes de diffusion des phéromones », élément clé dans le développement de solutions de biocontrôle ». « Pour cela, nous réalisons en laboratoire des essais d’émission en conditions contrôlées pour déterminer les paramètres décrivant le transfert des phéromones de la formulation vers l’air » détaille la chercheuse. Il s’agit ensuite de modéliser les processus d’émission et de dispersion des phéromones dans les champs dans le but d’estimer la zone d’action et la persistance dans le temps des phéromones à concentration suffisante pour maintenir l’efficacité du traitement.

 

Odorat surdéveloppé

 

La grande complexité de l’opération consiste à détecter des substances présentes en quantités extrêmement faibles, à « des concentrations de l'ordre de quelques nanogrammes de substance par mètre cube d'air ». Il s’agit donc de développer des méthodes de prélèvement et d’analyse pour rendre les appareils de mesure aussi sensibles que les antennes des insectes. A ce challenge s’en ajoute un autre : le développement de modèles prédictifs pour anticiper le devenir des molécules en conditions réelles.

 

Pour tenter de relever ces défis, c’est au sein du laboratoire commun So Ph’Air que s’organisent les travaux. Les parties prenantes se connaissent bien : auparavant, l’IMT Mines Alès et M2i Group avaient déjà collaboré dans le cadre d’un projet financé par le Fonds Unique Interministériel et qui concernait des ravageurs de la vigne et du maïs. Actuellement, une équipe de six chercheurs de l’IMT coopèrent avec le site de M2i Group à Lacq, à quelques kilomètres de Pau.

 

Depuis la signature du partenariat en 2020, une première thèse Cifre a été lancée pour étudier les cinétiques de diffusion des phéromones en fonction des formulations en conditions contrôlées et développer des méthodes de mesures applicables à l’échelle des espaces cultivés (serres et champs). Une prochaine thèse devrait démarrer en octobre 2023 pour modéliser la dispersion de ces substances actives et apporter de nouveaux éléments pour valider ces solutions de biocontrôle en conditions réelles.

 

Antennes « électroniques »

 

Par ailleurs, les recherches du Labcom s’intéressent aussi, en amont des formulations et de leur application sur le terrain, à l’identification des substances actives et à la relation entre leur dose et la réponse physiologique des insectes. Grâce au soutien du programme France Relance, une chercheuse en post-doctorat développe, toujours en partenariat avec M2i Group, un laboratoire d’électroantennographie", technique qui exploite la réponse électrique de l’antenne de l’insecte lorsqu’elle est stimulée par une phéromone. L’association de cette technique aux compétences spécifiques de l’équipe en matière d’analyse de substances gazeuses et de génération d’atmosphères contrôlées constitue une approche inédite et originale dans le domaine et ouvre de nouvelles perspectives de recherche pour le Labcom.

 

De ce « partenariat industriel pérenne », Valérie Desauziers tire un premier bilan encourageant. « Travailler avec une entreprise qui a une très forte croissance et qui continue à se développer, y compris sur le plan international, c’est très valorisant », indique la chercheuse. Un renouvellement de leur contrat est en cours de discussion.

 

« Nous sommes heureux de collaborer avec l’IMT depuis de nombreuses années. Créer des synergies entre la recherche appliquée et les savoirs scientifiques et académiques nous motive et permet de progresser plus vite. » déclare Patrick Durand Directeur du site M2i de Lacq.

 

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